Anis Azizi : Le Courageux Dénonciateur Silencieux par la mort

Le 31 mars 2014, Anis Azizi, un fonctionnaire courageux à la direction régionale des domaines de l’Etat et des affaires foncières de Ben Arous, a déclenché une bombe sur les réseaux sociaux. Il a dénoncé une affaire de corruption qui impliquait les plus hauts responsables. Mais son cri d’alarme a été étouffé dans le sang.

Moins de deux mois plus tard, le 30 mai 2014, Anis a été assassiné, poignardé à mort près de son domicile à El Mourouj, à la périphérie sud de la capitale,. Il s’apprêtait à se rendre au travail, à Ben Arous, lorsque la mort l’a rattrapé.

Selon le porte-parole du parquet de Ben Arous Moez Bouraoui, l’assassin d’Anis Azizi, employé de la direction régionale des biens immobiliers à Ben Arous, n’est pas un malade mental mais est conscient et sait ce qu’il fait, d’après ce que les investigations ont montré jusqu’à présent.

Anis Azizi, une vie sacrifiée pour la vérité

Anis, âgé de 38 ans, laisse derrière lui une femme et deux enfants, dévastés par la perte de leur être cher. Sa famille et ses amis, qui réclament justice, dénoncent un règlement de compte sordide.

Mais qu’avait dénoncé Anis? Dans son dernier message sur Facebook, il avait accusé une bande de falsificateurs de contrats, menée par le neveu de l’ancien président, qui opérait directement avec des cadres de la direction centrale de la propriété foncière et avec le directeur régional de la propriété foncière. Les opérations de falsification avaient permis de mettre la main sur les biens relatifs aux titres fonciers N° 123935/Nabeul et 556015/Nabeul.

«Il y a une bande qui s’est spécialisée dans la falsification des contrats. Elle est conduite par le neveu de l’ancien président, qui opère directement avec des cadres de la direction centrale de la propriété foncière et avec le directeur régional de la propriété foncière (…). Les opérations de falsification ont permis de mettre la main sur les biens relatifs aux titres fonciers N° 123935/Nabeul et 556015/Nabeul», avait-il posté sur sa page Facebook, en ce 31 mars 2014.

Ce meurtre odieux a laissé les proches, les amis et les collègues d’Anis sous le choc, cherchant à comprendre pourquoi ce jeune fonctionnaire avait été tué. Avait-il été trop loin dans ses révélations? Avait-il menacé de dévoiler des secrets trop lourds? Les assassins ont-ils cherché à faire taire à jamais cet homme qui refusait de fermer les yeux sur la corruption?

Qui a tué Anis Azizi?

Le 30 mai 2014, une journée comme les autres à 8 heures du matin. La victime se prépare à partir au travail, mais son quotidien va prendre un tour dramatique. Alors qu’il quitte sa maison pour rejoindre sa voiture, il est pris en embuscade par un individu qui le poignarde six fois avec un tournevis avant de lui porter deux coups de couteau mortels au cœur et à la poitrine. Les cris de la victime restent lettre morte : l’agresseur parvient à fuir, tandis que les voisins, impuissants, ne peuvent que regarder.

L’enquête rapide du département de lutte contre la criminalité permet d’identifier et d’arrêter le meurtrier, un taxiste, à l’hôpital psychiatrique Razi. Celui-ci avant d’être pris, a tenté de mettre fin à ses jours par pendaison, en vain. Sa sœur, qui l’a emmené à l’hôpital psychiatrique, a informé les services de sécurité de son lieu de refuge, mettant fin à sa fuite

Interrogé par l’enquêteur initial,  l’accusé livre une version étonnante des faits. Selon lui, sa sœur avait fait la connaissance d’un policier qu’elle avait rencontré au bord du lac. Elle avait discuté avec lui de sa relation avec sa sœur et avait même intercédé en sa faveur pour qu’il obtienne un poste dans les services de sécurité. Mais depuis lors, il était devenu impossible de le joindre, ce qui avait plongé sa sœur dans une profonde détresse psychologique. La sœur, qui avait arrêté de travailler à la Banque arabe de Tunis, lui avait révélé que l’homme était marié et père de deux enfants, et qu’il travaillait en réalité au chéquier, et non dans les services de sécurité. L’accusé avait alors multiplié les appels sur le téléphone portable de l’homme, mais celui-ci n’avait pas répondu, ce qui avait exacerbé sa colère et sa haine.

Dans ses premières déclarations, l’accusé a ajouté qu’alors qu’il faisait de l’exercice, il a croisé Anis Aziz qui passait devant sa voiture. Et c’est là que tout a basculé. Il a découvert que son rival vivait au Pré 1, et non au Pré 5 comme il l’avait prétendu lors de sa rencontre avec sa sœur. Cette découverte a ravivé sa soif de vengeance. Il est rentré chez lui, a pris un tournevis et s’est rendu à la maison du défunt, où il a vérifié que la voiture était garée devant la porte. La cible était identifiée. Il a ouvert la porte extérieure, s’est armé de sa main droite et a frappé. Le premier coup de couteau a atteint l’estomac, suivis de plusieurs autres, envoyant le défunt s’écrouler au sol.

L’accusé a ajouté qu’après le crime, il a acheté une corde et s’est rendu dans la forêt où il a tenté de se suicider par pendaison à deux reprises, mais il n’a pas réussi car la corde était déchirée. Il a informé sa sœur, qui l’a emmené chez un médecin spécialisé dans les maladies psychiatriques et l’a ensuite conduit à l’hôpital Al-Razi, où il a été hébergé jusqu’à ce qu’il soit arrêté.

Les déclarations du tueur ont été corroborées par sa sœur, ce qui a amené la justice à considérer que ses actes ont été commis alors qu’il était en pleine possession de ses moyens mentaux, ce sur quoi le tribunal s’est appuyé pour prononcer la peine de mort par pendaison.

Le rapport médico-légal qui change tout

Un élément qui pourrait changer la donne dans l’affaire du meurtre qui a choqué tout le pays. L’avocat du principal suspect a dévoilé les conclusions du rapport médico-légal du Dr Moncef Hamdoun, qui jette une lumière crue sur les circonstances du crime. Selon ce document, la victime a reçu trois coups de couteau de diamètres différents,  portés par trois individus !

Une information qui, selon l’avocat, exonère son client de tout soupçon, faute de preuves tangibles. Mais derrière ce meurtre, il y a peut-être autre chose que de la haine ou de la folie. L’avocat suggère que l’affaire est liée à un règlement de comptes lié à des dossiers de corruption financière, dans lequel la victime était impliquée dans le cadre de son travail. Une piste qui offre un éclairage inattendu sur les motivations du ou des tueurs.

Quels étaient les intérêts en jeu ? Quels étaient les acteurs impliqués ? Les enquêteurs ont encore du travail à faire pour élucider cette affaire trouble.

Laisser un commentaire