Quel lien entre Lotfi Mraihi et le meurtre d’Awatef Hmida ?

Le 12 décembre 2001, la vie d’Awatef Hmida, directrice de Radio Nationale Tunisienne, s’est brutalement arrêtée dans sa propre maison. Un homme qu’elle connaissait, venu pour une réparation, s’est transformé en monstre. Son intention : la violer. Mais Awatef a résisté avec courage!.. Face à son refus, la fureur de l’agresseur a explosé. Il l’a frappée à mort avec des outils de plomberie, la laissant gisant dans une mare de sang et d’eau dans sa baignoire, télévision posée sur sa tête, comme un symbole cruel de la vie volée.

Deux ans après le meurtre d’Awatef Hmida, son assassin Mehrez Dridi un plombier de 30 ans, a été condamné à mort par la justice tunisienne. Mais en Tunisie, la peine de mort est une exception. Malgré sa présence dans le code pénal, elle est rarement appliquée, témoignant d’une tradition de modération.

Après 20 ans passé dans la prison, le meurtrier d’Awatef Ben Hmida a surpris tout le monde en rencontrant le président Kaïs Saïed lors d’une visite à la prison d’El Mornaguia. Cette rencontre inattendue a relancé l’affaire, le parquet ayant décidé de rouvrir le procès suite à la présentation de « nouvelles pièces à conviction ».

En effet , le meurtrier a avoué avoir eu l’intention de violer Awatef et l’avoir frappée avec un outil de plomberie lorsqu’elle a refusé. Cependant, il n’a jamais tenté de la noyer dans un bain ni placé une télévision sur son corps.

Après ce drame, Lotfi Mraihi, un potentiel candidat à la présidence en 2024, a surpris tout le monde en se présentant à plusieurs reprises dans les médias pour témoigner de l’affaire. Ce faisant, il a brisé un silence qu’il avait pourtant choisi de maintenir pendant des années, même lors du tournage d’un documentaire « Rofiaat-aljalsa » sur l’affaire, réalisé après 2011. Ses récentes interventions se sont souvent transformées en critiques acerbes à l’encontre du président Kais Saied, aussi bien sur le plan politique qu’humain.

Awatef Ben Hmida: Une pionnière de la radio tunisienne

Awatef Ben Hmida, née en 1959, était une pionnière. Après une carrière d’enseignante, elle a gravi les échelons de la radio tunisienne, devenant la première femme à diriger la Radio nationale. Son intelligence et son professionnalisme l’ont propulsée à la tête de « Radio Jeunes » puis de la Radio nationale, avant que sa vie ne soit brutalement interrompue à l’âge de 42 ans dans son propre appartement a El-Menzah 6.

Dans cette affaire, tous ceux qui ont côtoyé Aouatef de près ou de loin sont considérés comme des suspects potentiels. Dans un crime aussi mystérieux, chaque détail, même le plus insignifiant, peut s’avérer crucial pour éclaircir les circonstances du drame et résoudre l’énigme.

Le témoignage de Lotfi Mraihi

Lotfi Mraihi est un homme politique, écrivain et pneumologue tunisien. Secrétaire général de l’Union populaire républicaine fondé en 2011, il s’est présenté à l’élection présidentielle de 2019, terminant septième avec 6,56% des voix. Il a également fondé et présidé l’Association des médecins de la création musicale de 2005 à 2010. Lotfi Mraihi a fréquenté Aouatef en 2001, et il est même celui qui a découvert son corps.

Voici le témoignage de Lotfi Mraihi lui-même, sur la Radio mosaique fm 16 Nov , 2022. Dans ce récit captivant, Lotfi nous livre ses découvertes et ses rencontres lors de cette enquête sinistre :

Le jour du meurtre se résume grosso modo à un arrangement avec Awatef pour qu’elle vienne chez lui avec sa femme et ses enfants, pour cuisiner du poisson à la façon sehlienne. C’était son idée. Elle était donc invitée pour la rupture du jeûne chez lui, en compagnie de Ratiba El Hefdhi, la directrice de l’opéra égyptienne, George Ain Molk, un journaliste et écrivain syrien reconnu, ainsi qu’Ali Brahim, un journaliste tunisien à la radio jeune.

11 heures du matin de ce dimanche, les deux enfants de Lotfi Mraihi avaient un rendez-vous dans une radio située rue de la Liberté de 11h à 13h. Lotfi les y a emmenés et les a laissés là-bas à 11 heures du matin. Ensuite, il prétendait qu’il allait faire des courses et qu’il avait des communications téléphoniques avec Awatef Hmida, car ses amis l’appelaient pour se plaindre du retard qu’Awatef avait causé. Il rappelait donc Awatef qui lui disait qu’elle attendait un plombier à chaque appel. Elle est restée chez elle jusqu’à 13h sans sortir, pendant que Lotfi Mraihi retournait chercher ses enfants. Malgré la présence de ses enfants, Lotfi l’appelait toujours et Awatef répétait sans cesse qu’elle attendait toujours le plombier.

En rentrant chez lui à Hammam Chatt, Lotfi a rencontré deux hommes sur son chemin qu’il a embauchés pour effectuer des travaux dans sa maison. Une fois arrivé chez lui, les deux hommes ont établi des devis pour les travaux à réaliser. Ensuite, Lotfi est retourné en centre-ville pour les déposer là-bas. Il est à noter que ses deux enfants sont retournés avec lui.

Les enfants sont retournés avec lui, car à l’hôtel El Hana les attendaient Mme Ratiba Hafni et Nacir Chamam. Les enfants devaient jouer de la musique devant eux, car il était prévu qu’ils se produisent à la Maison de l’Opéra au Caire. Ali Brahim les a rejoints à l’hôtel, accompagné de plusieurs autres personnalités non citées, Aoutef était absente. Ils ont terminé à 17h.

À 17h, il est sorti de l’hôtel, remarquant qu’il n’avait pas rappelé Awatef pendant le rassemblement à l’hôtel. Ce n’est qu’après sa sortie qu’il a essayé de l’appeler, mais son téléphone portable était coupé. Il a également tenté de la contacter sur le téléphone fixe, mais il n’y a eu aucune réponse malgré la sonnerie.

C’est à ce moment-là qu’il a commencé à avoir des doutes et a demandé à Ali Brahim quoi faire. Lotfi a proposé de se rendre chez elle à la maison, car à la fois Ali et Lotfi connaissaient bien l’endroit.

Effectivement, Lotfi, Ali et les deux enfants se sont rendus à la maison d’Awatef. Une fois arrivés là-bas, ils ont remarqué la présence de la voiture d’Awatef. Ils ont essayé de la contacter en sonnant sur le téléphone fixe de la maison, mais ils ont entendu la sonnerie sans réponse. Ils ont ensuite frappé à la porte, mais personne n’a ouvert. C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à douter que quelque chose n’allait pas avec Awatef et qu’elle pouvait ne pas être en bonne santé.

Awatef vivait au rez-de-chaussée d’un immeuble et à l’arrière de sa maison, il y avait une petite cour avec une fenêtre ouverte à une hauteur variable. Lotfi s’est alors imaginé qu’Awatef pourrait s’étouffer avec du gaz ou quelque chose de similaire. Devant l’immeuble, il y avait une épicerie où il s’est rendu et a demandé une échelle escamotable. Il a pris l’échelle escamotable et l’a positionnée près de la fenêtre, puis a demandé à Ali de monter dessus jusqu’à la fenêtre, étant donné qu’il était plus jeune. Cependant, Ali a refusé en prétendant qu’il avait peur de l’échelle escamotable.

Lotfi est monté lui-même sur l’échelle. À l’intérieur, il a découvert que la maison était en chaos, tout était mal organisé. Il a ensuite trouvé le cadavre dans la salle de bain. Sans hésiter, il a ouvert la porte et n’a pas pu empêcher les enfants, ni Ali Brahim, d’entrer et de voir le cadavre. Là Lotfi les a tous fait sortir, a fermé la porte et s’est dépêché de se rendre au poste de police.

Étant interrogé par la police quotidiennement, lui ainsi que plusieurs personnalités connues qui connaissaient Awatef, Lotfi a insisté à plusieurs reprises auprès de la police concernant la présence d’un plombier. Après une semaine, la police a fait appel à un expert qui a découvert que la chasse d’eau des toilettes avait été récemment remplacée, et était donc toute neuve.

Après des investigations approfondies, ils ont réussi à retracer l’endroit où cette chasse d’eau avait été vendue et à qui. C’est ainsi qu’ils ont pu identifier et retrouver le plombier en question.

La police a ensuite effectué une descente à la maison du plombier où ils ont découvert son téléphone portable, des vêtements tachés de sang, la carte d’identité d’Awatef, ainsi qu’une chaîne en or et la carte professionnelle d’Awatef. De plus, les empreintes de sang trouvées sur la scène du crime correspondaient aux empreintes du plombier. Le casier judiciaire de ce dernier était entaché par des condamnations pour agressions sexuelles. Le meurtrier a plaidé coupable devant le tribunal et a fait une demande de réduction de peine.

La version du documentaire Rofiaat-aljalsa2

L’émission révèle que Lotfi Mraihi, après avoir déposé ses enfants à la radio en plein centre-ville vers 11 heures, s’est rendu à El Manzah 5 pour acheter du poisson. Il aurait choisi ce trajet inhabituel pour éviter les embouteillages qui paralysaient le centre-ville.


Mohamed Boughaleb, ancien élève et ami de Aouatef, a témoigné lors de cette émission. Il a affirmé connaître intimement Aouatef, la décrivant comme une personne généreuse qui l’avait souvent emmené en voiture et l’avait invité à dîner chez elle à plusieurs reprises. Il a même révélé qu’il était parmi les rares seuls à avoir accès à son domicile.


Ali Ibrahim, quant à lui, a également participé à l’émission, apportant un témoignage intrigant. Il a révélé qu’au moment où lui et Lotfi Mraihi avaient décidé de se rendre chez Aouatef, ce dernier lui avait demandé s’il connaissait bien son domicile, suggérant qu’ils avaient besoin d’être guidés et que Lotfi ne connaisait pas le chemin.

Ali Ibrahim a également témoigné de la scène macabre découverte dans l’appartement. Le choc était palpable, et la première réaction de Lotfi Mraihi a été d’appeler sa femme pour lui annoncer la mort d’Aouatef. Il a également remarqué que Lotfi n’a pas adressé la parole à Ali et ses enfants, laissant planer un lourd silence dans l’atmosphère déjà lourde de tristesse jusqu’à leurs arrivées à l’office de la police.


L’un des frères d’Aouatef a exprimé son profond scepticisme face à la version du plombier, affirmant qu’il ne croit pas qu’il ait pu tuer Aouatef avec son matériel de travail. Il souligne la précision de l’acte, suggérant qu’il s’agit d’un assassinat professionnel, et qu’un seul individu ne pourrait pas avoir agi de la sorte. Il estime qu’au moins trois personnes ont participé à ce crime.

Le frère d’Aouatef souligne que les assassins ont pénétré dans sa maison en plein jour, alors qu’il y avait du monde et des voisins dans les environs. Ils ont agi avec une audace déconcertante, tuant Aouatef et la plaçant dans la baignoire, ouvrant l’eau sur elle pour la faire mourir sous l’eau. Ils ont ensuite placé un poste de télévision sur son corps, un message macabre pour intimider quiconque oserait défier leur autorité.


En prison, Mehrez a retrouvé deux de ses anciens voisins, Slim et Hosni. Ces derniers ont témoigné d’un changement radical chez Mehrez, affirmant qu’il n’était plus l’homme qu’ils avaient connu dans leur enfance. Ils ont décrit un Mehrez déprimé, constamment en proie à des pensées obsédantes, et qui suivait un traitement médicamenteux pour des problèmes neurologiques.

Mehrez a avoué à ses anciens voisins qu’il avait tué Aouatef, mais il a insisté sur le fait qu’il n’aurait jamais pu commettre un tel acte dans son état normal. Il a reconnu avoir bu un peu avant de se rendre chez elle, mais il soupçonne avoir été drogué ou avoir pris des pilules, car il ne se souvient plus clairement de son état ce jour-là.

Mehrez Dridi leurs a avoué qu’il s’était rendu chez Aouatef pour réparer la chasse d’eau. Après avoir terminé, elle lui a demandé d’installer un cadre au mur, puis de poser une moquette dans sa chambre. À un moment donné, il a tenté de la toucher et de la draguer, mais Aouatef a refusé ses avances. Une dispute a éclaté, et Aouatef a tenté de s’échapper. Elle est tombée près de la porte de la chambre, et Mehrez Dridi, pris de rage, l’a frappée à plusieurs reprises à la tête avec son outil de plomberie.

Il a affirmé ne pas se souvenir d’avoir déplacé le corps d’Aouatef et de l’avoir placée dans la baignoire.

Il affirme ne s’être souvenu de rien et avoir pris conscience de la situation seulement lorsqu’il s’est retrouvé dans la rue, vêtements tachés de sang, et qu’il a été pris d’un choc intense.

Mehrez insistait sur le fait que la police, à l’époque, n’avait pas effectué de tests d’alcoolémie ni d’autres examens physiques pour déterminer s’il était sous l’influence de substances lors de l’incident.

La cause de la mort

Est-ce qu’Aouatef est morte à cause des coups qu’elle a subis, ou à cause de la noyade dans la baignoire ? seule une autopsie et une enquête approfondie peut la déterminer.

Selon l’autopsie, la cause du décès était une commotion cérébrale, mais une noyade simultanée n’est pas à exclure. Le médecin a demandé un examen anatomo-pathologique des poumons pour confirmer l’hypothèse de noyade.

Le juge d’instruction du tribunal de première instance de l’Ariana a fondé sa décision sur le seul rapport d’autopsie médicale. Celui-ci a déclaré que les causes du décès étaient doubles : un coup porté avec un objet contondant et une noyade.

La décision rendue par la Cour d’appel tunisienne en janvier 2004 s’appuyait également sur le même rapport médico-légal, qui ne confirmait pas l’hypothèse d’une noyade et demandait un rapport du pneumologue.

Le piège se referme ! Le rapport du pneumologue, daté du 8 décembre 2001, semblait innocent : les prélèvements pulmonaires étaient normaux, tout était calme. Mais attendez, il y a un autre chapitre dans cette affaire explosive ! Les résultats ont été transmis à la cour d’appel le 17 octobre 2003, mais voilà que l’avocat du plombier révèle un secret qui fait vaciller tout : ce rapport n’a pas été rédigé par le médecin que la cour avait demandé, mais par un autre !

Le frère d’Awatef Ben Hmida lui aussi lance un cri d’alarme : après le premier rapport d’autopsie, la famille a exigé une contre-expertise. Et c’est là que le scandale éclate : le médecin chargé de l’enquête conclut que la jeune femme est morte noyée… mais le rapport disparaît mystérieusement, laissant place à un silence assourdissant. Ni le juge, ni l’hôpital ne peuvent produire le document. Le juge, désemparé, convoque le médecin pour éclaircir le mystère, mais celle-ci n’est-elle pas venue témoigner devant le juge.

Les questions qui ce posent | les détails qui intriguent

  • Pourquoi Lotfi Mraihi a-t-il choisi de se rendre à El Manzah 5 pour acheter du poisson alors qu’il aurait pu le faire au même endroit où il a déposé ses enfants, en plein centre-ville ? Est-ce que les embouteillages au centre-ville étaient vraiment plus difficiles que ceux d’El Manzah 5 à ce moment-là ? Ce choix inhabituel soulève des questions et alimente les interrogations sur les motivations de Lotfi Mraihi.
  • Pourquoi Lotfi Mraihi, lors de son interview à Mosaïque, a-t-il affirmé connaître la maison d’Aouatef, alors qu’Ali Brahim a révélé dans le documentaire que Lotfi Mraihi n’avait jamais mis les pieds dans cette maison et avait même demandé son chemin ? Quel est le mobile derrière cette contradiction troublante ?
  • Si la personne recherchée se trouve dans une maison, et que sa voiture est garée devant, pourquoi ne pas avoir tout simplement forcé la porte ? Pourquoi Lotfi Mraihi a-t-il préféré se rendre à une épicerie à 300 mètres pour chercher une échelle, puis revenir et l’utiliser pour accéder à la fenêtre ? Ce choix inhabituel soulève des questions sur ses motivations et son comportement.
  • Pourquoi un plombier de 28 ans aurait-il eu l’idée de placer une télévision sur le corps d’Aouatef, dans la baignoire, après l’avoir tuée ? Ce geste macabre et théâtral soulève de nombreuses questions sur les motivations du meurtrier et sur la nature de son crime.
  • Aouatef, athlète de grande taille et corpulente, contrastait fortement avec le physique maigre et petit du plombier. Comment a-t-il pu déplacer son corps, déjà sans vie, jusqu’à la baignoire ? Cette question soulève des doutes sur la version de Mehrez Dridi et sur sa capacité physique à réaliser un tel acte.
  • Comment Mehrez Dridi a-t-il pu assassiner Aouatef, puis sortir en plein jour, vêtements ensanglantés, prendre un taxi, rejoindre sa famille et tout cela sans éveiller le moindre soupçon ?
  • Qu’est-ce qui a causé la disparition du deuxième rapport d’autopsie ?
  • Pourquoi le médecin qui a effectué la contre-expertise n’est-elle pas venue témoigner devant le juge ?
  • Qui est le responsable de la substitution du rapport du pneumologue ?
  • Quels sont les liens entre les différents acteurs impliqués dans cette affaire ?

Au fil de cette enquête, les pièces du puzzle se sont mises en place, révélant un tableau troublant de mensonges, de faux rapports et de substitutions suspectes. Qu’est-ce qui a motivé ces manipulations ? Quels sont les véritables responsables de cette affaire trouble ?

Après la réouverture de l’enquête, les investigations se poursuivent, mais pour l’instant, les réponses attendues restent introuvables. L’enquête est toujours en cours, et les enquêteurs continuent de chercher les pièces manquantes pour élucider ce mystère. La vérité est toujours cachée, mais nous sommes déterminés à la révéler. Nous continuerons de suivre cette affaire et de vous tenir informés de tout développement nouveau.

  1. https://www.youtube.com/watch?v=2i7DcM2qjRw ↩︎
  2. https://www.youtube.com/watch?v=koVLCH9fTZ0 ↩︎

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